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CELUI QUI TENDIT LA MAIN A ISRAËL

 
 
L’homme au keffieh et au rameau d’olivier 
 
Depuis hier, le peuple palestinien est orphelin de celui que tous, fidèles ou même adversaires, appelaient depuis longtemps déjà, avec un mélange d’ironie et d’affection, « le vieux ». Un parcours hors du commun.
 
 
Yasser Arafat, le père de la résistance palestinienne, a cessé le combat, hier matin, dans une salle de soins intensifs de l’hôpital Percy à Clamart. Cela faisait douze jours qu’il luttait contre sa dernière ennemie, espérant jusqu’au bout pouvoir revenir dans sa patrie, la Palestine, qu’il avait eu tant de mal à regagner en 1994, après des décennies d’exil. Pouvoir, un jour, aller prier à Jérusalem, à la mosquée d’Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam pour les musulmans, avait été son dernier rêve. Il en parlait à ses visiteurs, ces trois dernières années de sa vie, qu’il a passées enfermé à la Mouqata de Ramallah, où l’avait piégé son vieil ennemi de toujours, l’ancien général Ariel Sharon, devenu maître des destinées d’Israël. 
 
À défaut d’aller prier à Jérusalem, la dernière volonté du président palestinien était d’être enterré dans l’un des caveaux de l’esplanade des Mosquées. Un voeu immédiatement rejeté par Ariel Sharon : « Jamais tant que je serai là », a martelé le premier ministre israélien. Il faudra sans doute attendre, pour qu’il ait une chance de se réaliser, que voie le jour cet État palestinien à la création duquel Yasser Arafat aura consacré toute sa vie et toute son énergie. 
 
Yasser Arafat avait eu soixante-quinze ans en août. Il était né en 1929 dans une famille de la petite bourgeoisie palestinienne installée au Caire dans les années vingt. Son père avait eu des revers de fortune et avait dû vendre les propriétés familiales dans la bande de Gaza, d’où sa famille paternelle était originaire alors que celle de sa mère était de Jérusalem. C’est dans cette ville, pour laquelle il montrait un attachement sans bornes, qu’il passa d’ailleurs une partie de son enfance, chez un oncle, sa maman étant morte quant il n’avait que quatre ans. Il parlait volontiers à ses visiteurs de sa maison, proche, disait-il, du Mur des lamentations, et de ses jeux d’alors avec les enfants des quartiers juifs et arméniens de la vieille ville, rêvant tout haut de voir un jour revivre cette coexistence entre les communautés qu’il avait connue et qui, qu’elle fut réelle ou embellie par le souvenir, figurait pour lui une sorte de paradis perdu. 
 
La rupture, pour Yasser Arafat, comme pour tous les Palestiniens, c’est la « Nakba » - la catastrophe - que constitue l’installation de l’État d’Israël sur la plus grande partie de la Palestine historique. Les Arabes, que l’on n’appelait pas encore Palestiniens, en sont chassés sans pitié. Ils seront 800 000 à prendre le chemin de l’exil, effrayés par les massacres et les destructions de l’armée juive, mais aussi trompés par les promesses des chefs d’États voisins - Syrie, Égypte, Jordanie notamment. Ces derniers ont promis aux Palestiniens qu’ils pourront rentrer chez eux dès que l’armée du nouvel « État juif » aura été vaincue. Arafat, qui s’engage dans la résistance palestinienne d’Abdel Kader Al Husseini, comprend vite que le déséquilibre des forces est tel que les Palestiniens n’ont aucune chance. Il comprend aussi qu’ils ne doivent pas compter sur les États arabes pour les rétablir dans leurs droits, mais sur eux-mêmes. 
 
Cette leçon, apprise à vingt ans, déterminera tout le combat de sa vie. Pas à pas, Yasser Arafat reconstruira la résistance palestinienne anéantie par la Nakba : création de l’Union générale des étudiants palestiniens au Caire, où il fait des études d’ingénieur ; création du Fatah en 1959 au Koweit où il s’est installé et « fait de l’argent » à la tête des entreprises de travaux publics qu’il a créées avec ses amis. Ce sera là l’origine de la fortune du Fatah, qu’il a, tout au long de sa vie, su faire fructifier, conscient que l’argent était « le nerf de la guerre ». 
 
En 1968, avec Abou Iyad et Abou Djihad, les deux cofondateurs du Fatah, il relance la lutte armée contre Israël et, l’année suivante, prend le contrôle de l’OLP, qu’il a gardé jalousement jusqu’à sa mort. La bataille suivante, dès 1970, sera de faire reconnaître l’OLP comme « seul représentant du peuple palestinien », par les États arabes d’abord, puis par l’ONU. 
 
À partir de là, Yasser Arafat, parce qu’il a réussi à faire revivre l’identité palestinienne, peut se prévaloir d’une légitimité qui lui permet de s’adresser en 1974 à la tribune de l’ONU et d’y brandir les deux alternatives qui s’offrent alors aux Palestiniens : « Le fusil révolutionnaire et le rameau d’olivier », en suppliant la communauté internationale de « ne pas laisser tomber le rameau de sa main ». 
 
Ce symbole de la paix, Yasser Arafat ne l’a, lui, jamais lâché. « Nous avons fait le choix stratégique de la négociation et de la paix », répétait-il sans cesse. Et c’est cette obstination qui lui permet, vingt ans après ce geste historique, de revenir sur la terre de Palestine en 1994, moins d’un après la signature des accords d’Oslo avec Yitzhak Rabin. Arafat croit alors que le « processus d’Oslo » sera respecté, avec la promesse qu’il contient d’une solution définitive en 1999. Solution qui, à ses yeux, ne peut être qu’un État palestinien indépendant à côté d’Israël, avec Jérusalem comme capitale des deux États. 
 
Élu en 1996 président de l’Autorité provisoire qui doit mener par étapes à cet État, Arafat n’a jamais désespéré de réussir à atteindre ce but de son vivant. Malgré l’assassinat de « son partenaire », Yitzhak Rabin, malgré le retour de la droite au pouvoir, malgré l’échec des négociations de Camp David et la poursuite de la colonisation israélienne dans les territoires mêmes qui étaient promis à l’État palestinien. Malgré, enfin, la destruction par Ariel Sharon de l’Autorité palestinienne, et son propre enfermement dans la Mouqata, dont il n’est sorti que pour mourir. Sans avoir renoncé à son rêve que partage tout un peuple aujourd’hui en deuil. 
 
Françoise Germain-Robin 
 
Sources : Lien vers http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-11-12/2004-11-12-449701">
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Modifié en dernier lieu le 13.11.2004
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