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EDITORIAL DE HAARETZ
ENNEMI, PARTENAIRE, ADVERSAIRE
Editorial de la redaction
Vendredi 12 novembre 2004
Fut-il mort, non a 75 ans mais a 65 ou plus jeune ; eut-il ete tue en
Cisjordanie en 1967, lors de Septembre Noir en Jordanie en 1970, au
Fatahland libanais deux ans plus tard, ou a Beyrouth en 1982, 1 que Yasser
Arafat eut laisse en Israel le souvenir de l'ennemi cruel responsable de
rudes actions terroristes ayant cause de nombreux dommages.
Eut-il succombe a un accident d'helicoptere a la veille des discussions
d'Oslo, que l'histoire l'eut reduit a une simple note : lčhomme qui avait
rate toute une serie d'occasions diplomatiques, le perdant qui avait mise
son va-tout en sautant dans le train de Saddam Hussein 2.
Fut-il mort durant les sept annees qui sčecoulerent entre la signature a
Washington, avec Yitzhak Rabin et Bill Clinton, de la Declaration de
principes dčun accord interimaire, et le declenchement de lčactuelle
sequence du conflit israelo-palestinien, que de nombreux Israeliens
eux-memes auraient consenti a voir en lui le partenaire dčune transition
progressive de lčhostilite a la reconciliation le chef dčun mouvement de
liberation nationale assez avise pour savoir qučil est « un temps pour la
guerre et un temps pour la paix 3 ».
Mais Arafat, qui est mort hier, a egalement entraine son peuple sur le
chemin de la violence ces quatre dernieres annees, eloignant ainsi
Israeliens et Palestiniens de lčavenement de la paix. Lui - qui avait ete
ramene a la vie politique en 1993 par le gouvernement Rabin revenu de lčidee
de negocier avec des representants des territoires occupes a la suite des
discussions de Madrid et croyant celui qui rejetait toutes concessions mieux
a meme que quiconque de les permettre ne repondit pas aux espoirs
israeliens. Il nčetait pas Anouar El-Sadate, qui tua des milliers
dčIsraeliens au cours de la guerre de Kippour, mais que ses succes pendant
cette guerre comme lčaffaiblissement de la puissance egyptienne menerent a
reconnaitre la necessite de la paix.
Arafat poursuivit un processus de troc avec Israel, echangeant des tranches
de calme contre des tranches de territoire tout en forgeant une force armee,
les Tanzim du Fatah, aux cotes des services de securite de lčAutorite
palestinienne, et laissa le Hamas et dčautres organisations conserver leur
pouvoir dans lčattente de la bataille. Meme sčil avait cesse dčetre un
ennemi, il restait un adversaire deguise en partenaire.
De son vivant encore, dčaucuns le voyaient deja comme un Moise palestinien
lčhomme qui avait conduit son peuple a travers le desert quarante annees
durant sans jamais atteindre la terre promise. Arafat etait un
revolutionnaire, le chef dčun mouvement a lčancienne mode comme ceux des
Vietnamiens, des Algeriens et des Cubains. Il ne crea pas au sein de
lčAutorite palestinienne les institutions de gouvernement appropriees. En
contradiction frappante avec sa personnalite, et en contraste marque avec
son ascetisme personnel et son devouement a lčorganisation qučil menait, il
deroba a son peuple des centaines de millions de dollars et, de meme que
pour la transmission du pouvoir, ne sčinquieta pas de transmettre ces fonds
en organisant sa succession.
Arafat acquit sa stature internationale en bonne part grace au soutien
sovietique dans les annees 70, dans le contexte de la Guerre froide, et aux
erreurs des gouvernements israeliens successifs, qui refuserent aussi bien
de quitter la Cisjordanie au benefice du roi Hussein de Jordanie que de
travailler au transfert des Territoires [occupes] a un pouvoir palestinien
local. Quand Hussein annonca qučil se desengageait de la rive occidentale du
Jourdain, Israel nčeut pas la sagesse de mener un dialogue avec la classe
dirigeante locale, cedant ainsi en fin de compte au veto impose par lčOLP
depuis Tunis. A la fin, lčEtat hebreu changea de politique et negocia avec
Arafat.
Sans Arafat, les Palestiniens ne seraient jamais arrives aussi loin qučils
le firent. Mais avec lui, et a cause de lui, ils ne pouvaient aller au-dela.
La direction qui marchera sur ses traces devra aussi sčen ecarter, meme si
elle ploie sous le faix de sa memoire.
NOTES
1 Lors, donc, de la guerre des Six Jours ; de la liquidation des forces
palestiniennes en Jordanie par l'armee du souverain hachemite et de l'exode
au Liban qui s'ensuivit ; des luttes entre factions au pays du Cedre ; ou
enfin de la guerre du Liban.
2 Allusion a la prise de position de Yasser Arafat au moment de la premiere
guerre du Golfe.
3 Citation de l'Ecclesiaste reprise par Yitzhak Rabin dans son discours de
Washington, lors de la signature des accords israelo-palestiniens dits
d'Oslo.
Sources : Lien vers http://www.haaretz.com/hasen/spages/500676>
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